Le contrôleur Caf : témoignage
Questions à…
Maud Alvarez et Gérard Vacher, contrôleurs à la Caf de la Loire
Comment êtes-vous devenu(e) contrôleur à la Caf ?
Gérard Vacher.- J’ai toujours eu l’intention de travailler dans les enquêtes. Agent de maîtrise au service prestations, je souhaitais évoluer dans mon travail. Par mes formations (notamment le cours de cadres des organismes de sécurité sociale) et ma pratique, j’avais pu développer des compétences en matière de prise de décision et d’autonomie. Celles-ci m’ont sans doute permis d’être recruté pour cette fonction, que j’exerce depuis une quinzaine d’années.
Maud Alvarez.- J’ai exercé les fonctions de technicien-conseil et de référent-expert au service prestations. C’est lors d’une séance de découverte du métier de contrôleur, au cours de laquelle j’ai accompagné Gérard dans sa “tournée”, que mon intérêt pour ce métier s’est révélé. C’était vraiment là où je devais être. Suite à mon recrutement, j’ai suivi le cycle de formation des contrôleurs Caf, nouvellement mis en place dans la branche Famille. Après 6 mois de formation en alternance, j’ai pris officiellement mes fonctions en avril 2011.
Votre fonction est encadrée juridiquement, vous mettez en oeuvre la politique de contrôle et de maîtrise des risques de la Caf. Néanmoins, dans l’exercice de votre travail, vous disposez d’une certaine autonomie. Quelles compétences sont nécessaires pour faire votre métier ?
M.A.- C’est un métier relationnel, très riche, qui requiert du caractère. Nous devons avoir une bonne connaissance de l’environnement, des règles de droit qui encadrent notre fonction. Nous devons savoir reconnaître les indices qui permettent de détecter les cas de fraude. Enfin, il est important que tous les contrôleurs partagent la même éthique de travail.
G.V.- Quand on devient contrôleur, on change de métier. Il faut avoir les qualités d’un travailleur indépendant : savoir organiser son travail, gérer ses déplacements, prendre des initiatives en fonction de l’évolution des investigations. La relation à l’allocataire est essentielle et il faut savoir s’adapter et “gérer la situation”.
Comment gérez-vous cette relation à l’allocataire, notamment en cas d’agressivité ?
G.V.- Les visites à domicile permettent de rencontrer l’allocataire dans son environnement. La personne rencontrée est alors plus détendue qu’en contexte d’accueil à la Caf. La réglementation nous permet de réaliser des contrôles inopinés chez les allocataires, je pense que cette méthode apporte davantage de résultats dans le cadre de l’investigation. On peut toutefois être confrontés à l’agressivité de certains allocataires, cela fait partie du risque inhérent à ce métier, qu’il faut accepter si on l’exerce. Au cours d’une enquête, on peut mettre un allocataire face à l’évidence d’un cas de fraude. Nous devons être capables de déceler ces situations où notre interlocuteur sent qu’il n’a “plus d’espoir”, ce qui, selon son contexte de vie (problèmes de santé, fragilité psychologique), peut augmenter le risque de débordement.
M.A.- Face à la colère d’un allocataire, je pense qu’on doit faire preuve d’empathie, en lui expliquant les choses avec beaucoup de pédagogie. Si on se montre correct, à l’écoute de son interlocuteur, on peut faire baisser la colère, dans la plupart des cas où il n’y a pas de facteur psychologique aggravant. “Entrer chez les gens” est une démarche humaine, qui requiert des aptitudes particulières.
L’exercice de votre fonction nécessite beaucoup de déplacements. Comment organisez-vous votre travail ?
M.A.- Les recherches préalables sont nécessaires à la connaissance du dossier en amont de la visite à domicile. Le temps consacré à la rédaction des rapports d’enquête est également important. Nous disposons d’un ordinateur portable connecté au réseau informatique de la Caf, qui nous permet de travailler à distance. Les tâches de recherche et de rédaction représentent environ 2 jours dans ma semaine de travail. Je consacre le reste du temps aux visites au domicile des allocataires et auprès des partenaires. Nous devons adopter une organisation relativement souple permettant de caser les imprévus. En effet, on peut tomber sur des situations d’urgence (suspension du versement de prestations par exemple), qui nécessitent de poursuivre les investigations sans délai, afin de permettre une solution du problème plus rapide.
G.V.- Il est important d’avoir une stratégie d’investigation. J’ai opté pour une organisation adaptée aux aléas rencontrés au fur et à mesure de l’avancement des enquêtes. Je n’ai pas de planning rigide, car la durée consacrée à un dossier peut être très variable, selon les investigations nécessaires à établir un rapport complet (une ou plusieurs visites, recherches auprès des tiers…). L’ordinateur portable est très utile dans le cadre de la visite à domicile : nous avons toutes les pièces du dossier sous les yeux, dont les déclarations fournies par l’allocataire à la Caf. Cela permet de légitimer notre propos et de gagner en efficacité. Dans la semaine, nous disposons d’une demi-journée de permanence au siège de la Caf. J’utilise ce temps pour échanger avec les collègues des autres services dans le cadre de l’avancement des dossiers et, occasionnellement, pour recevoir un allocataire en rendez-vous. Etant très souvent en déplacement, nos réunions de service mensuelles nous permettent de nous retrouver pour faire le point sur le fonctionnement du service et participer à un groupe de parole animé par un psychologue.
Comment travaillez-vous avec les partenaires ?
G.V.- Nous sommes sollicités par les travailleurs sociaux, le conseil général, les organismes de tutelle qui interviennent auprès des allocataires dont les dossiers nous sont confiés. Etant très vigilant à propos de la confidentialité des informations que je détiens, je préfère être questionné par mail que par téléphone.
Concernant les autres partenaires, que je contacte pour mes investigations (Cpam, employeurs, établissements bancaires, bailleurs, distributeurs d’énergie, fournisseurs de téléphonie, assureurs…), plusieurs méthodes sont mises en oeuvre suivant les dossiers (visite directe, mails, courriers), afin de leur demander d’appliquer le droit de communication, le préalable étant de respecter la confidentialité et de garantir l’identité de chacun.
M.A.- Nous sommes chargés d’un même secteur géographique pendant trois ans. Nous pouvons ainsi nous constituer un réseau d’interlocuteurs dans lequel nous travaillons dans un climat de confiance. Je réponds volontiers aux sollicitations des travailleurs sociaux, qu’il m’arrive par ailleurs d’alerter sur certaines situations de détresse constatées. Nous avons également des contacts avec les contrôleurs de la Cpam et des services fiscaux. Par contre, avec certains partenaires, la mise en oeuvre du droit de communication nécessite une justification permanente par les textes de loi. La démarche est parfois laborieuse, mais cela commence à entrer dans les moeurs.
Voir aussi : Le contrôleur des situations individuelles